Vous n’êtes pas sans savoir que le 11 novembre est devenu au fil du temps plus qu’un hommage national aux combattants de la Grande Guerre, il honore également désormais l’ensemble des combattants de tous les théâtres d’opérations. C’est pourquoi après la traditionnelle participation de nos élèves, plus d’une dizaine cette année, à la cérémonie du Centenaire devant le monument aux morts des Bordes, nous avons eu une pensée particulière au collège Geneviève de Gaulle-Anthonioz pour une enfant de la commune, Elisabeth Torlet (1915-1944), dont le nom gravé sur le monument orne également le gymnase utilisé tous les jours par nos élèves.
Native des Bordes, formée et entraînée en Afrique du Nord avant d’être parachutée pour une mission périlleuse de renseignement en France occupée dans la région de L’Isle-sur–le-Doubs, Elisabeth Torlet est capturée et exécutée par les Allemands le 6 septembre 1944. Une nouvelle page lui étant entièrement dédiée est désormais accessible en ligne.
Alors qu’un hommage lui était donc rendu aux Bordes en ce 11 novembre 2014, une stèle était érigée au même instant à Blussans dans le Doubs, dans cette région où elle a laissé la vie, en présence de la famille d’Elisabeth Torlet. C’est à l’initiative de Jean-Georges Jaillot-Combelas, spécialiste de l’histoire des opératrices-radio du Corps féminin des Transmissions d’Afrique du Nord, que l’on doit ce travail mémoriel d’importance.
Infatigable travailleur de l’ombre, Jean-Georges Jaillot-Combelas s’est intéressé à cet épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale en découvrant l’histoire de sa tante, Suzanne Pax-Combelas, parachutée dans la nuit du 12 au 13 juillet 1944 avec Denise Colin en Auvergne, à la Croix Saint-Anne près du col du Béal. Il aura fallu des années d’efforts à ce passionné d’histoire pour obtenir des différents acteurs la permission d’ériger trois plaques commémoratives en hommage à ces combattantes bien souvent oubliées. Une première plaque du souvenir voyait ainsi le jour à la Croix Saint-André en août 2010, la seconde rendait hommage en août 2012 à Colombes à Suzanne Mertzisen-Boitte, exécutée à Ravensbrück le 18 janvier 1945, tandis que la dernière était inaugurée ce 11 novembre à Blussans en l’honneur d’Elisabeth Torlet.
L’occasion pour nous de mettre en lumière et de transmettre une petite partie de l’histoire de ces héroïques jeunes filles du Corps féminin des Transmissions d’Afrique du Nord qu’on surnommait les « Merlinettes », du nom du Colonel Merlin, créateur de ce corps (CRT) en novembre 1942, au moment du débarquement allié en Afrique du Nord. Ce sont les toutes premières femmes soldats à intégrer l’armée de terre. Elles seront formées comme opératrices radio, téléphonistes, télétypistes et radio ou secrétaires d’analyse.
Environ 150 d’entre elles sont engagées dans la campagne de Tunisie en mars 1943, avant de prendre part à toute la campagne d’Italie au sein du Corps expéditionnaire français, du débarquement à Naples aux combats de Monte-Cassino et du Garigliano, pour atteindre Rome puis enfin Sienne où elles participent au défilé du 14 juillet 1944. Le 9 août 1944, c’est le débarquement en Provence, aux alentours de Saint-Tropez, et la participation à l’épopée de la 1ère Armée, qui les verra s’enfoncer en Allemagne, jusqu’à Sigmaringen puis Innsbrück le 9 juillet 1945.
Une cinquantaine de ces jeunes femmes ont également choisi de servir dans la clandestinité en France occupée. C’est le cas d’Elisabeth Torlet. 5 de ces jeunes femmes ont fait le sacrifice de leur vie : Elisabeth Torlet sera donc exécutée le 6 septembre 1944 près de l’Isle-sur-Doubs, tandis que Marie-Louise Cloarec, Pierrette Louin, Eugénie Djeni et Suzanne Meritzien le seront le 18 janvier 1945 au camp de Ravensbrück.
En tout, les effectifs des jeunes femmes du Corps féminin des Transmissions atteindront jusqu’à 2000 opératrices pour l’armée de Terre et 400 pour l’armée de l’Air en mars 1944. C’est le général d’armée Jean de Lattre de Tassigny qui leur rendit ce vibrant hommage :
Les volontaires féminines de la Première Armée, quelle que fût leur tâche, obscure ou exaltante, ont fait preuve d’un dévouement souriant, d’un zèle sans défaillance, certaines d’un héroïsme magnifique. Elles peuvent être fières de la part qu’elles ont prise à notre victoire. Que demain sous l’uniforme encore ou de retour dans leurs foyers, elles restent intimement fidèles à l’esprit de l’armée “Rhin et Danube”. Ainsi continueront-elles à bien servir la France.
Général d’armée Jean de Lattre de Tassigny