Retour à Résistant(e)s et Déporté(e)s

Georges Séguy

Accueilli à plusieurs reprises au collège, toujours en compagnie de son ami Henri Ledroit qui nous a quittés en 2013, Georges Séguy1 a toujours accepté avec grand plaisir la rencontre avec les jeunes, pour un exercice difficile s’il en est, raconter l’indicible à des élèves toujours captivés par son récit, ses bons mots et ses formules acérées, vigoureusement lancées avec son accent chantant de la Garonne.

G.Séguy
Georges Séguy au collège (Droits réservés, Collège Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Les Bordes, 14 février 2012)

De passage au collège, Georges Séguy est ainsi intervenu en 2011 puis 2012 pour décrire l’univers concentrationnaire aux élèves. Dans le cadre de la préparation au Concours National de la Résistance et la Déportation, il est d’abord revenu sur la répression menée par les autorités de Vichy, répression dont Henri Ledroit et lui-même ont été les victimes, avant d’aborder la question des différentes formes de résistance qui ont pu exister dans les camps. La rencontre prévue en mars 2015 avait finalement dû être annulée en raison des soucis de santé de Georges Séguy, qui devait alors intervenir sur la libération des camps et aborder la difficile question du retour des déportés.

Je ne reviendrai pas ici sur sa carrière d’homme politique de cette figure du syndicalisme français, mes élèves auront l’opportunité, au lycée, d’approfondir la question, mais bien sur ses jeunes années, la résistance, puis la déportation à Mauthausen.

Georges Séguy est né le 16 mars 1927 à Toulouse. Son père, ouvrier agriculteur puis cheminot, syndicaliste et communiste, l’emmènera dès ses 10 ans aux réunions et manifestations auxquelles il participe régulièrement. Certificat d’études primaires en poche en 1939, Georges Séguy parlait souvent aux enfants de sa colère en 1940, lorsque, élève au cours complémentaire, il devait subir régulièrement la leçon d’“instruction civique” obligatoire à la gloire du maréchal Pétain ! Colère, indignation, rage même, quand au printemps 1942 il apprend l’exécution par les Allemands du dirigeant syndicaliste cheminot Pierre Semard, qu’il avait si souvent vu chez lui avec son père. Bouleversé, sa décision est prise, il entrera dans la résistance.

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Henri Ledroit et Georges Séguy, témoignage recueilli et enregistré au collège (Droits réservés, Collège Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Les Bordes, 14 février 2012)

Georges Séguy apprend le métier de conducteur typographe dans une imprimerie. Il en profitera pour devenir un spécialiste des faux papiers : fausses cartes d’identité, faux certificats de travail, faux livrets de famille… Il participe aussi à l’impression de l’Humanité, Combat, Franc-Tireur… A l’âge de 16 ans, il adhère, toujours clandestinement bien sûr, à la Jeunesse communiste et il est enrôlé dans les rangs des Francs-tireurs et partisans français (FTPF), pour lesquels il joue le rôle d’agent de liaison entre 1942 et 1944.

Son engagement tourne court lorsqu’il est arrêté par la Gestapo le 4 février 1944, dénoncé par un collègue auquel Georges Séguy est menotté ce jour-là. Médusé, il voit celui-ci s’adresser en allemand à ses geôliers et disparaître tranquillement. Cet agent fut retrouvé, jugé, et fusillé à la Libération. Georges Séguy s’en assurera.

Emprisonné à Toulouse pendant 3 semaines, interrogé sans ménagement, Georges Séguy est ensuite transféré au camp de transit de Compiègne, d’où il part pour le camp de Mauthausen en Autriche, le 23 mars 1944. Trois jours et trois nuits, sans manger, sans boire, sans voir le jour, dans un wagon à bestiaux…

Georges Séguy, désormais le matricule 60581, rencontre à Mauthausen d’autres Français, dont des militants communistes, avec lesquels il parvient à constituer une organisation clandestine. Résister à Mauthausen, c’était d’abord saboter le travail : il faut l’entendre raconter aux élèves comment il met alors tout en œuvre pour saboter les ailerons pour les avions de chasse Messerschmitt, sur lesquels les déportés travaillent (voir 3ème extrait video ci-dessous) ! Faire des trous de 10mm pour des rivets de 8, espérant entraîner la chute des avions allemands en vol ! Résister, c’est aussi capter les informations radiophoniques sur la débâcle en cours, pour les communiquer dans le camp, et garder courage.

A la libération du camp (28 avril 1945), Georges Séguy peut enfin rentrer à Toulouse. On est début mai 1945, il ne pèse que 38 kilos. La pleurésie qu’il a contracté à Mauthausen le forcera à délaisser son travail à l’imprimerie. Il entre à la SNCF.

Devenu en 1949 secrétaire de la fédération CGT des cheminots, entré en 1954 au comité central du Parti Communiste Français, puis au bureau politique en 1956, Georges Séguy gravit rapidement les échelons de l’appareil syndical : secrétaire général de la fédération des cheminots (1961), membre du bureau confédéral de la CGT (1965), avant de succéder en 1967 à Benoît Frachon à la tête de la CGT. À ce poste de secrétaire général, il tient un rôle de premier plan au cours des grandes grèves de mai-juin 1968, un mouvement social d’envergure au cours duquel il acquiert une stature d’homme politique national. Pendant quinze ans, sa faconde et ses petites phrases vont marquer la vie sociale et politique. Il quittera la tête de la CGT le 18 juin 1982.

Retiré de la scène publique, mais toujours très attentif à la vie sociale du pays, il est resté un militant actif, dispensant avis et conseils, acclamé lors du 50ème Congrès de la CGT à Toulouse, en 2013, où il avait rappelé : « Il ne suffit pas de s’indigner… Il faut s’engager ». C’est fidèle à cet axiome qu’il portait inlassablement son témoignage et son message dans le Loiret où il vivait sa retraite, dans les lycées et collèges comme le notre où il était souvent sollicité.

« J’ai tout de suite pensé que dans la mesure où j’avais eu la chance inespérée de figurer parmi les rescapés, de revenir vivant de la déportation, ma vie en quelque sorte ne m’appartenait plus ; elle appartenait à la cause pour laquelle nous avions combattu et pour laquelle tant des nôtres étaient morts » dit-il dans ses Mémoires.

Travail réalisé par les élèves du Club Résistance 2011/2012 du collège Geneviève de Gaulle Anthonioz des Bordes autour du thème 2011/2012 du Concours National de la Résistance et de la Déportation : « Résister dans les camps nazis »

Les trois courts extraits videos que je vous propose ci-dessous (avec toutes les autorisations d’usage bien entendu) ont été filmés au collège des Bordes en 2012 :

L’entrée dans la résistance

Témoignage recueilli et enregistré par les élèves du Club Résistance 2011/2012 du collège Geneviève de Gaulle Anthonioz des Bordes
Henri Ledroit et Georges Séguy, le 14 février 2012, au collège

La déportation, Mauthausen

Résister à Mauthausen

Ce témoignage a permis la réalisation d’un DVD (voir jaquette ci-dessous) destiné à être utilisé ultérieurement par d’autres groupes d’élèves, et présenté au Concours National de la Résistance et de la Déportation 2011/2012 : ce travail réalisé avec les élèves du Club Résistance du collège Geneviève de Gaulle Anthonioz des Bordes a remporté le Premier Prix de la catégorie Mémoire audiovisuel collectif du concours dont le thème était : « Résister dans les camps nazis ».

psd jacquette dvd 2012

 

  1. Georges Séguy est décédé le 13 août 2016 (voir article dédié) ↩︎