Le 14 août 1944, le violent assaut du régiment allemand de sécurité 1010 contre le maquis de Lorris au Carrefour d’Orléans et aux alentours faisait 49 morts. Parmi eux, quatre personnes dans le village d’Ouzouer sont tuées par des Allemands mécontents d’avoir laissé fuir les maquisards cachés en forêt, et qui tirent sur tous ceux qu’ils rencontrent dans les environs : Elie Tremeau avait 75 ans, Robert Fichot 80, Paul Bertrand 36 ans, et son fils de 5 ans (ou 8 ans selon les témoignages), Claude, tué dans les bras de son père…
Ce jour-là, cinq maquisards laissent aussi la vie à Ouzouer-sur-Loire, massacrés par les Allemands. Laissons Charles Léger, un ancien du maquis, nous raconter leur histoire. Son témoignage a été recueilli pour le bulletin de la commune à l’occasion de la cérémonie de commémoration du 10 août 20031.
« Vers 9 heures du matin, tout ce monde était aux Bordes, route du chêne coquetier. Nous étions une dizaine de gars prêts à partir pour une mission, quand une rafale d’arme automatique fut tirée en forêt. A la cadence du tir, nous comprîmes que ce n’était pas une arme anglaise, mais allemande. Comme nous étions prêts, nous prîmes la direction du carrefour du chêne coquetier. En face de nous, les Allemands étaient à environ 500 mètres. Il fallait se défendre ou mourir. Avec moi, il y avait Roland Thomas, Robert Brochet, Maurice Jacquet âgé de 18 ans, Paul Maréchal, Jean Lecanu, seulement 16 ans, et plusieurs autres. Les Allemands n’osaient pas approcher ; l’attente fut longue et angoissante ; nous mangeâmes le repas qui nous fut servi dans un seau ; nous avons mangé avec la main une poule au riz cuisinée avec une forte dose de piment, sans boire, car nous n’avions pas d’eau. Un feu se déclara en forêt suite à un tir de mortier ; en ce 14 août, il faisait très chaud, et ceux qui ont vécu cette journée s’en souviennent.
Vers 14 heures, les Allemands sont passés à l’attaque, mais cinq fusils mitrailleurs disposés sur 20 mètres de large nous ont stoppés net. Nous avons repris conscience, et après cette accalmie, je suis allé chercher de l’eau dans le seau vide. A l’entrée du camp, il y avait une camionnette prête à partir avec des gars légèrement souffrants ou blessés. En partant, ils nous ont fait un petit signe de la main… Ils n’avaient plus qu’un quart d’heure à vivre…
Leurs noms sont aujourd’hui gravés dans la pierre sur la Croix de Lorraine, où tous les ans la commune commémore ce triste jour par une cérémonie du souvenir, toujours aussi émouvante. A cela il faut ajouter les assassinats de civils : Paul Bertrand et son fils Claude (8 ans), Robert Fichot et Elie Tremeau, le grand-père d’Albert. la journée fut longue et rude, la liberté coûte cher ! Aujourd’hui fort heureusement, il fait bon vivre à Ouzouer »
Charles Léger, maquis de Lorris, 2003