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Frania Eisenbach Haverland

La couverture du livre-témoignage de Frania Eisenbach Haverland, avec cette photo de la famille Eisenbach avant la guerre

Lorsqu’elle revient en 1945 des camps de concentration nazis dans lesquels elle a passé 6 ans de sa vie, Frania Eisenbach, issue d’une famille juive laïque polonaise, en est la seule survivante.

Installée en France, c’est à l’occasion du 60ème anniversaire de la libération des camps en 2005 que son témoignage est pour la première fois recueilli par la Mairie de Paris et le Mémorial de la Shoah, l’occasion dit-elle, de « pousser à nouveau la porte du passé », de se souvenir de ceux qui ne sont pas rentrés. Frania raconte aussi son parcours dans un livre, fin 2007, Tant que je vivrai, écrit avec l’aide de Dany Boimare.

Frania participe dès lors à des congrès, des conférences, mais surtout elle transmet aux jeunes son espérance en un monde meilleur et leur conseille de s’ouvrir aux autres et de rester toujours vigilants. Elle ne compte plus le nombre d’écoles, collèges et lycées dans lesquels elle a donné ces conférences, rencontres au cours desquelles elle raconte, avec un léger accent, une voix qui se casse dès qu’elle évoque sa famille disparue, ce qu’elle a vécu. Le 23 février 2018, avec le soutien de la FNDIRP, elle intervient à Dampierre-en-Burly devant les élèves des classes de troisième du collège Geneviève de Gaulle-Anthonioz des Bordes. Un an plus tard, Frania reviendra le 15 mars 2019 poursuivre son inlassable travail de transmission auprès des enfants.

En septembre 1939, Frania Eisenbach est une jeune adolescente de 13 ans (elle est née en 1926) lorsque l’armée allemande envahit la Pologne. Son père était musicien et chef d’orchestre. Il a disparu dans la tourmente comme plus des soixante membres de la famille de Frania.

Dès le 7 septembre 1939, les soldats allemands occupent son village de Tarnów (voir carte en bas de page) où ont lieu immédiatement des actions répressives contre la population juive. En 1941, elle est enfermée dans le ghetto de Tarnów.
 Frania raconte les exécutions, les « aktionen », les premières déportations.

Travail réalisé avec les élèves du collège Geneviève de Gaulle Anthonioz des Bordes, avec Alain Rivet, président de la section départementale et membre du bureau national de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes)

Témoignage recueilli et enregistré par les élèves du Club Résistance 2017/2018 du collège Geneviève de Gaulle Anthonioz des Bordes
Frania Haverland et Alain Rivet, le 23 février 2018, au collège

En juin 1942, les Allemands ferment le ghetto, alors divisé en deux parties : le ghetto « A » réservé aux personnes aptes à travailler, le ghetto « B » pour les inaptes au travail, les enfants, les vieillards, tous exterminés par la suite. Frania évite le ghetto B grâce à son frère Fiszek, mais n’échappera pas à la « liquidation » le 2 septembre 1943 du ghetto A , et à la déportation. Ce jour-là, plus de 5000 juifs furent déportés vers Auschwitz, 3000 vers le camp de Płaszów.

Frania est donc envoyée au camp de Płaszów, dans la banlieue de Cracovie (voir carte en bas de page), un camp de le mort connu aujourd’hui pour ces déportés qui faisaient partie de la liste de Schindler (film (2004) de Steven Spielberg, inspiré du roman (1982) de Thomas Keneally qui décrit comment Oskar Schindler, un industriel allemand, réussit à sauver environ 1 200 Juifs promis à la mort à Płaszów). Frania y croisera très vite le chemin du criminel Amon Goeth, le commandant du camp, qui abattait ses victimes à coups de fusil. Elle y échappera également miraculeusement à la mort sur la sinistre colline de Płaszów dont personne avant elle n’était jamais redescendu. Frania avait 17 ans et demi à son arrivée au camp. L’espérance de vie à Płaszów était de 4 semaines, elle y passera plus de 8 mois.

En mai 1944, l’armée soviétique approche, Frania est transférée à Auschwitz où elle croise la route d’un autre monstre, le docteur Menguele, puis arrive à Birkenau dans le terrible camp de quarantaine où les déportés attendaient leur tour pour les chambre à gaz à capacité trop limitée… En attente d’extermination, par chance, Frania et sa soeur de déportation Tusia échappent une nouvelle fois à la mort en étant finalement sélectionnées pour travailler. Frania subit alors la douloureuse séance de tatouage sur l’avant-bras gauche, où elle porte encore le numéro A22350.

En novembre 1944, Frania est contrainte de prendre la direction de l’Allemagne, où elle échoue au camp de Flossenburg (voir carte). A nouveau, travail harassant dans une usine de pièces détachées, maladies, punitions, mais aussi alertes à chaque bombardement des Alliés sur l’usine, rythment ses journées et nuits.

Après un énième terrible voyage et une tentative d’évasion avortée, Frania finit enfin son périple fou à Theresienstadt, près de Prague en Tchécoslovaquie, totalement épuisée, dans un camp tout juste mis sous autorité de la Croix Rouge internationale. Nous sommes en avril 1945, le calvaire prend fin…  Le 8 mai, ce sont des soldats russes juchés sur un char qui apprennent aux survivants que la guerre est finie.

Le mot de la fin…

Durant toute la guerre, Frania est restée prisonnière dans des conditions extrêmes, elle a échappé aux multiples sélections, survécu aux maladies et au désespoir. C’est après bien de nouvelles péripéties que Frania décidera par la suite de rejoindre la France où elle fera sa vie.

Carte des principaux camps (source FNDIRP), suivez le voyage de Frania Eisenbach Haverland (camps surlignés en jaune)

Un DVD-Video, avec l’intégralité de la conférence de Frania Eisenbach Haverland a comme d’habitude été créé pour permettre à tous les futurs élèves du collège de travailler dans les années à venir sur ce témoignage rare.