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L’organisation du camp

La vie au camp

Un peu à la surprise générale, O’Neill nomme son adjoint, Benjamin Passet à la tête du Maquis de Lorris, alors que son fondateur, Albin Chalandon, se retrouve responsable de la seule Compagnie Albin. Pour suppléer Albert et prendre le commandement de la seconde compagnie, on parachute depuis Londres un nouvel officier, le lieutenant Charles Lonchambon, alias le lieutenant Robert, qui prend donc ses fonctions le 20 juillet 1944.

Témoignage recueilli et enregistré par les élèves du Club Résistance 2010/2011 du collège Geneviève de Gaulle Anthonioz des Bordes
Bernard Chalopin et Jean Héau, le 11 mai 2011, au collège

A partir du 27 juillet 1944 et le rassemblement de tous les hommes au camp du Ravoir, la vie est véritablement organisée comme dans un camp militaire, avec rassemblement pour la levée des couleurs chaque matin et rapport quotidien. Chaque compagnie y reçoit ses ordres de missions pour la journée et/ou la nuit. Le camp est gardé aux quatre coins et toutes les entrées ou sorties du camp sont contrôlées. Discipline, sécurité, sont les maîtres-mots. Le maquis est alors également structuré de manière militaire, autour des 4 compagnies formées après les attaques des maquis de Vitry et Chambon, chaque compagnie étant à son tour divisée en sections, divisées en groupes :

Organigramme du commandement du maquis de Lorris (Benoît Momboisse) – Cliquer pour agrandir
Albin Chalandon
Charles Lonchambon
Pierre Gramond
Benjamin Passet
Jacques Brodu
Numa Fourès
Schéma d’organisation d’une compagnie du maquis de Lorris, l’exemple de la compagnie Albin (Benoît Momboisse) – Cliquer pour agrandir

A titre d’exemples, Bernard Chalopin (alias Tony) et Jean Héau, dont vous avez certainement écouté le témoignage ci-dessus, font tous les deux partie de la compagnie Albin. Jean Héau appartient au groupe Cordier de la sectionToulza (voir schéma). Quant à Bernard Chalopin, il fait partie de la section Deresne, commandée par l’adjudant Louis Deresne, gendarme de son état. Son chef de groupe est un jeune cyrard nommé Roger Destors. L’adjudant Deresne sera blessé le 17 août dans l’accident de voiture dans lequel est également impliqué Albin Chalandon ce jour-là, quelque part entre Fay-aux-Loges et Châteauneuf-sur-Loire, le jour de la libération de Châteauneuf par le maquis. Il sera alors remplacé à la tête de la section de Bernard Chalopin par un des adjoints du Capitaine Benjamin Passet (Albert), le lieutenant Jacques Brodu (Willy), et ce jusqu’à la libération de Paris.

Chaque commandant de compagnie dispose d’un emplacement précis dans le camp et se trouve sous les ordres du PC de commandement. Les abris des hommes sont rudimentaires, sapes, toiles de parachutes tendues en cône depuis une branche, le confort comme l’hygiène ne sont pas les priorités des hommes, qui la plupart bien jeunes s’en soucient d’ailleurs bien peu ! Ces tentes de fortune abritent également les différents « services » du camp, de l’infirmerie aux cuisines en passant par le poste de commandement, la tente du radio (capitaine Villemin), ou encore l’armurerie qui s’abritait sous une toile bleue.

La question du ravitaillement

Des personnes en rapport constant avec les responsables du maquis de Lorris, Jean Arrighi, garde forestier, et le sous-lieutenant Georges Martin, étaient chargées du ravitaillement. La participation des habitants des communes environnantes fut primordiale. Des agriculteurs fournissaient sur bons de réquisition les bêtes qui étaient abattues clandestinement avant d’être rapportées au camp. Il en était de même pour les boulangers locaux  qui approvisionnaient en pain.

La générosité d’une partie de la population et l’exemplaire compréhension des agriculteurs locaux ont permis de résoudre la plupart des difficultés liées au ravitaillement, malgré des situations parfois ubuesques comme l’histoire fameuse dont se rappellent bien tous nos anciens de ce malheureux taureau abattu au fusil mitrailleur après moults essais infructueux pour le mettre à mort, ou encore ce camion de fromage opportunément pris à l’ennemi à la faveur d’une embuscade et qui servit de plat principal aux hommes pendant de nombreuses semaines, en dépit de sa détérioration rapide en pleine forêt !

Le garage

Le garage se situait près du camp du Ravoir, dans un espace touffu pour mieux dissimuler les véhicules indispensables au maquis pour transporter hommes et matériel lors des missions. Sous la direction de Maurice Ganivet, une soixantaine d’hommes dont seulement trois mécaniciens de métier, la majorité étant des chauffeurs qui avaient un véhicule attitré et participaient aux actions.

Claude Morraglia

Il y avait environ 50 véhicules, véhicules légers (voitures) de marque Chenard&Walcker, Peugeot ou Citroën, des camionnettes, des camions, quelques motos, plus un camion atelier, la plupart réquisitionnés (comme les véhicules du marchand de bois et du notaire de Saint Benoît, ou celle du curé de Varennes, une histoire dont les lecteurs des Sangliers sortent du bois doivent se souvenir !). Le carburant était aussi réquisitionné, et stocké dans une citerne des Eaux et Forêt. Les batteries étaient également difficiles à trouver.

Ces missions pouvaient s’avérer tout aussi dangereuses que les missions de combat, c’est par exemple en voulant confisquer son véhicule à un collaborateur notaire qu’un chef de groupe de la compagnie Albin, Claude Morraglia, sera arrêté et déporté à Buchenwald (il sera libéré le 8 mai 1945).

Après l’attaque du 14 août 1944, tous les véhicules furent préparés avec les armes pour quitter le maquis et participer à la Libération, de Lorris jusqu’à Paris.

Véhicule surnommé "la Torpille", au moment de la Libération de Paris (Droits réservés, Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Lorris)
Véhicule surnommé « la Torpille », au moment de la Libération de Paris (Droits réservés, Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Lorris)
Véhicules maquis
Véhicule utilisés au moment de la Libération (Droits réservés, Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Lorris)

Les parachutages

Les parachutages d’armement étaient organisés par des services extérieurs. Les responsables des maquis du Loiret étaient en effet en liaison permanente avec Londres (SOE anglais et BCRA pour la France Libre, voir page précédente). Grâce au soutien des différents réseaux, Prosper, Antoine (Philippe de Vomécourt), Étienne Leblanc (Pierre Charié) ou Alliance, on compte pratiquement une centaine d’opérations de parachutages couronnées de succès dans la région. Ces missions pouvaient être coordonnées grâce à la radio, nous avons tous en tête ces fameux messages à la BBC que les Allemands s’échinaient en vain à vouloir décoder ! Ces phrases souvent amusantes (La brosse à reluire va fonctionner, Les sangliers sortent du bois…) servaient en réalité de signaux pour la préparation d’un atterrissage, la réception de matériels ou d’hommes parachutés, l’autorisation pour lancer des opérations de guérilla…

Auguste Boussogne

Ces parachutages étaient menés à bien grâce à l’aide au sol des agents des Eaux et Forêts comme Auguste Boussogne (réseau Alliance), mais aussi de la population rurale qui a largement contribué à la réussite de ces opérations. Citons entre autres la participation active du maire de Coudroy  M.Baby, des agriculteurs de Vieilles Maisons M.Parmentier et M.Dalaigre, ou encore de Gilbert Greuin, agent de liaison pour le maquis. Nombreux sont ceux qui périront pour cette tâche.

Les containers d’armes, une fois arrivés à bon port, étaient souvent camouflés dans des sapes là où ils tombaient en attendant le bon moment pour être ensuite chargés dans les camions du maquis (chacun pouvait peser jusqu’à 200 kg), qui les acheminaient alors vers le camp.  Les hommes se chargeaient ensuite de l’inventaire et de la mise en service des armes (montage, graissage…). Armes de poings, pistolets et fusils mitrailleurs, fusils, grenades, explosifs, mines, bazookas, mortiers, munitions, étaient souvent également accompagnés d’objets tout aussi utiles aux résistants consignés en pleine forêt comme des uniformes, des brassards FFI, des pinces, du chatterton, des gants, du chocolat ou les indispensables cigarettes.