Le 14 Août au matin, l’armée allemande encercle le carrefour d’Orléans, pensant y trouver le camp du maquis. Il s’agit du régiment de sécurité 10101, chargé particulièrement d’éradiquer les poches de résistance en France.
Originaire de Dampierre-en-Burly, Charles Léger2 intègre le maquis de Lorris au printemps 1944 dans la compagnie Robert. Il se distingue lors de l’attaque du 14 août 1944, en posant huit mines antichars au carrefour du chêne coquetier pour retarder les allemands. Il participe ensuite aux les combats pour la libération de Châteauneuf-sur-Loire, d’Orléans et de Paris. A la dissolution des maquis, en septembre 1944, Charles Léger choisi d’intégrer la première Armée (Rhin et Danube) du général de Lattre de Tassigny, et participe alors activement aux campagnes d’Alsace et d’Allemagne jusqu’à la capitulation allemande. Il est médaillé de la Croix du Combattant 1939-1945.
Au centre de la forêt d’Orléans, quatre communes, Lorris, Les Bordes, Ouzouer-sur-Loire et Montereau, se rejoignent donc en un point appelé « carrefour d’Orléans ». Quatre maisons y sont construites, habitées par des familles. En ce matin du 14 août, seule une poignée d’hommes demeure au carrefour, restant en liaison constante avec le Maquis. Dans l’infirmerie, installée non loin de là, seuls trois blessés de l’attaque de Chicamour ainsi qu’un malade se reposent.
Ce lundi matin, alors que se déroule l’inhumation des neuf victimes du 12 août, trois camions chargés de soldats allemands s’approchent dangereusement du carrefour d’Orléans. Afin de ne pas éveiller davantage les soupçons de l’ennemi, les troupes se cachent dans les maisons forestières. Seules quelques rafales de mitraillettes, résonnant ça et là, troublent la matinée. Ailleurs dans la forêt, les maquisards s’efforcent de faire disparaître tous les objets compromettants (brassards tricolores, armes, munitions, etc.). Les Allemands poursuivent leur encerclement méthodique, n’arrêtant que de jeunes gens désarmés qu’ils rencontrent en chemin. Malgré leurs efforts, ils ne parviennent pas à découvrir le Maquis. Pendant ce temps, le commandant Charié est chargé d’appeler en renfort les groupes de résistance locale. Mais les Allemands progressent et encerclent maintenant tout le carrefour.
Vers 13 h 30, des soldats arrivent de toutes les routes ou sortent des fossés ; au total 500 hommes se rassemblent, cernant les baraquements. Les Allemands font sortir les Français, y compris les blessés et les infirmières. Les Allemands se livrent alors à un interrogatoire. Les captifs se disent ouvriers forestiers et prétendent ignorer le Maquis. Des soldats profitent de l’occasion pour piller les maisons avoisinantes, quand soudain ils découvrent des brassards tricolores. Les Français, incapables de fournir une explication valable à la présence de ces objets, sont alors considérés comme « terroristes » par les Allemands. Les détenus, excepté l’infirmière, sont conduits sur la route, puis abattus d’une balle dans la tête. En plus de ces quinze victimes, un corps calciné est retrouvé, puis dans la soirée, deux jeunes gens sont fusillés. Ainsi 18 hommes périssent au carrefour, pour n’avoir pas trahi leurs compagnons. Seize autres maquisards trouvent la mort en forêt d’Orléans, dans des conditions révoltantes, certains subissant des sévices. Des Allemands iront même jusqu’à faire creuser leur propre tombe aux martyrs.
La seconde phase de cette journée du 14 août se résume à l’attaque du Maquis. Furieux de leur échec au carrefour d’Orléans, les Allemands, équipés de matériel lourd, déclenchent une attaque générale. Ils reçoivent bientôt les renforts du régiment de sécurité 1010, dont un bataillon assaille à la même période le maquis de Chilleurs-aux-Bois.
Vers 14h-14h30, l’offensive allemande commence par une reconnaissance des lieux par les blindés, des colonnes sillonnent toutes les routes forestières. Ils n’iront pas bien loin, stoppés par les maquisards. Après localisation sur les cartes d’état major des points d’affrontements, et donc de l’emplacement approximatif du camp, les Allemands mettent en place des mortiers pour pilonner la forêt.
Les combats font rage de 15h à 21h. La consigne était de ne pas cesser les combats sans ordres. Il fallait tenir jusqu’à la nuit car les Allemands avaient pour habitude d’arrêter les combats à la tombée de la nuit. Ne supportant plus l’efficace défense française, les Allemands montent à l’assaut de tous les côtés, mais le combat tourne vite à l’avantage du maquis (le camp était tout de même encerclé à environ 500 mètres). Les ennemis, sentant leur défaite proche, bombardent alors le garage (créant un incendie) avant de se retirer.
Vers 23h00, les Allemands ayant abandonné, les hommes quittent le camp du Ravoir. Le convoi auto parti dès 21h a rejoint Vitry aux Loges. Ceux qui ont évacué à pied ont été divisés en 2 groupes puis ramenés à Vitry le 16 au soir.
Mais le bilan de cette triste journée n’était pas encore complet. Dans la soirée, un convoi automobile du Maquis se dirige vers Ouzouer-sur-Loire quand il se heurte à un barrage allemand. Les F.F.I parviennent à forcer le barrage mais cinq d’entre eux y laissent la vie. Les Allemands, mécontents d’avoir laissé passer les maquisards, décident de tirer sur tous ceux qu’ils rencontrent dans les environs. Ainsi, ils tuent quatre personnes dans le village d’Ouzouer, dont un enfant de cinq ans. A tous ces crimes vient s’ajouter le drame survenu à l’Etang des Bois : le garde forestier M.Boussogne est assassiné. Non loin de là, quatre maquisards sont abattus à leur tour par les Allemands. Pour clore cette longue liste de victimes, il faut parler de deux hommes capturés et fusillés par l’ennemi, ainsi que deux disparus qui, à ce jour, n’ont jamais été retrouvés.
Aujourd’hui, au carrefour d’Orléans, un monument témoigne de ces cinquante hommes courageux, qui jusqu’au bout sont restés patriotes, ne trahissant en aucun cas leurs camarades.
- selon les témoignages des anciens, plusieurs soldats allemands portaient des uniformes noirs lors de l’attaque du 14 août, les laissant à penser qu’il s’agissait de SS ; en réalité, il semble que les régiments de sécurité étaient habillés avec des uniformes différents puisés dans les surplus, type camouflage ou noirs, et équipés d’armes et véhicules récupérés à droite et à gauche. Ce régiment, de la Wehrmacht donc, était au service de la SD d’Orléans, la Police de sécurité (Sicherheitsdienst, littéralement le « service de la sécurité », le service de renseignements de la SS), qui pouvait avoir autorité sur la Wehrmacht et la SS. Cette unité était le sous le commandement du capitaine Kubale, assisté du lieutenant Lacase, commandant la 5ème compagnie, et du capitaine Hahn, commandant la 8ème compagnie. (Un grand merci à notre historien Benoît Thiault pour cet éclairage !) ↩︎
- Charles Léger est décédé le 16 novembre 2016 ↩︎