C’est dans la perspective du 75ème anniversaire de l’arrestation et du décès de Max Jacob que le Club Résistance 2018/2019 a entrepris ce travail de recherche sur son parcours. L’objectif était de faire vivre la Mémoire de la déportation à travers son histoire et son œuvre en réalisant une brochure sous la forme d’un parcours de découverte des lieux de Saint-Benoît-sur-Loire où il a vécu, à 10 minutes du collège. Une chanson a également été écrite sur le personnage intitulée Il est en paix.
Ce projet a vu le jour sous l’impulsion de deux partenaires majeurs, la Communauté de communes du Val de Sully, et le CERCIL d’Orléans (Centre d’Étude et de Recherche sur les Camps d’Internement et la Déportation Juive dans le Loiret). Dans le cadre de la préparation au thème 2018-2019 du Concours National de la Résistance et la Déportation, « Répressions et déportations en France et en Europe, 1939-1945. Espaces et histoire », le Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Lorris, le collège Geneviève Anthonioz-de Gaulle de Cluses (Haute-Savoie), la FNDIRP (Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes) et l’AFAAM (Association des Familles et Amis des Anciens du Maquis de Lorris) ont également été partie prenante du projet (voir bilan final de l’action).
À la fois projet de classe (3ème) et accompagné d’élèves volontaires inscrits au « Club Résistance » du collège, un vaste projet pluridisciplinaire s’est ainsi mis en place, impliquant professeurs d’Histoire, de Français, d’Éducation musicale et d’Arts plastiques qui ont œuvré de concert dans la réalisation d’un support de médiation (brochure) sur Max Jacob et son parcours à Saint-Benoît en histoire et en club, la création d’une chanson sur Max Jacob avec l’artiste intervenant Syrano (Sylvain Adeline) en musique, mais aussi un travail de fond sur l’œuvre poétique de Max Jacob en Français et un zoom sur plusieurs œuvres picturales en Arts plastiques.
Pour réaliser la brochure, la chanson, et préparer l’épreuve du CNRD, une série d’actions a été engagée sur toute l’année scolaire : une première visite est organisée à Saint-Benoît-sur-Loire avec les élèves grâce au soutien de la Communauté de communes du Val de Sully, une sortie qui a permis de suivre le parcours de Max Jacob à Saint-Benoît en allant voir (et photographier pour cette page !) tous les lieux qu’il fréquentait alors, et de découvrir l’exposition Max Jacob à l’Office de tourisme. Pour mieux comprendre le contexte de l’époque, les élèves ont également été à la découverte de lieux de Mémoire emblématiques, avec les visites guidées du camp de Pithiviers, du Musée-Mémorial des enfants du Vel d’Hiv au CERCIL d’Orléans, du camp d’internement de Drancy, du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Lorris, du Musée Départemental de la Résistance de Morette (maquis des Glières) et de la Nécropole des Glières. Les élèves ont également pu rencontrer un témoin de la répression et victime de la déportation, Frania Haverland (avec les 3èmes du Collège Guillaume de Lorris) et ont assisté à une représentation du spectacle Quand la chanson se souvient de la Shoah (avec la chorale du Collège Maximilien de Sully).
Voici le résultat de ce travail, ce dépliant diffusé par la Communauté de communes du Val de Sully est désormais disponible dans les offices de tourisme de la région !
Travail réalisé par les élèves du Club Résistance 2018/2019 du collège Geneviève de Gaulle Anthonioz des Bordes autour du thème 2018/2019 du Concours National de la Résistance et de la Déportation : « Répressions et déportations en France et en Europe, 1939-1945. Espaces et histoire »
L’objectif n’est donc pas ici de rendre compte de toute la vie de Max Jacob et de son œuvre extrêmement riche, vous trouverez facilement en ligne de quoi vous renseigner, mais bien de s’attarder vous l’avez compris sur les deux moments clés de sa vie passée sur les bords de Loire, à Saint-Benoît-sur-Loire, entre 1921 et 1928, puis plus particulièrement entre 1936 et 1944, la période qui concerne la Seconde guerre mondiale et son arrestation. Les textes ci-dessous ont été rédigés à partir du travail des élèves du Club.
Max Jacob Alexandre (il adoptera définitivement le patronyme Jacob en 1888) est un poète, romancier, essayiste, épistolier et peintre français, né le 12 juillet 1876 à Quimper en Bretagne où il passe toute sa jeunesse. Il est issu d’une famille juive non pratiquante qui travaille dans la confection. Il décide de quitter sa région natale pour Paris afin d’y faire ses études et y obtient en 1899 sa licence de droit, option droit maritime. Max Jacob arpente notamment les rues du quartier de Montmartre et se fait de nombreux amis au Bateau-Lavoir, célèbre pour ses ateliers d’artiste fréquentés en particulier par Pablo Picasso qu’il rencontre en 1901, mais aussi Guillaume Apollinaire, Georges Braque, Henri Matisse, Amedeo Modigliani, André Salmon ou Marie Laurencin. Tour à tour journaliste, menuiser (de retour à Quimper), clerc d’avoué ou précepteur, Max Jacob mène une vie de bohème et multiplie les excès. Idolâtré par les jeunes artistes, il multiplie également les liaisons. Picasso devient son parrain quand il se convertit au catholicisme après plusieurs visions en 1915. C’est en 1917 que Max Jacob édite à compte d’auteur Le Cornet à dés, chef-d’œuvre par lequel il accède à la notoriété.
Lassé par l’ambiance du Paris des années folles de l’après guerre, Max Jacob n’arrive plus à travailler à Paris car il y a trop de tentations, de visites, il éprouve le besoin de se retirer à la campagne. Par l’intermédiaire de son ami le prêtre François Weill, Max Jacob accepte l’idée de s’installer à Saint-Benoît-sur-Loire dans le presbytère de l’abbé Fleureau. Max Jacob arrive ainsi à Saint-Benoît le 24 juin 1921. Il y restera jusqu’en 1928, partageant son temps entre travail et prière.
Rapidement installé dans une partie du monastère alors désaffectée (les moines avaient été priés de déguerpir pendant la Révolution), Max Jacob est heureux à Saint Benoît. La plupart du temps il écrit, ou peint. Il va également à la messe dans la basilique de Fleury, messe qu’il prépare et sert tous les jours. Il entame même la rédaction d’une histoire de la basilique de Saint-Benoît-sur-Loire. Le lien avec Paris n’est toutefois jamais rompu, et Max Jacob passe aussi beaucoup de temps à écrire des lettres à ses amis et à de jeunes artistes qui viennent régulièrement le voir par le train. Au programme, balades sur les bords de Loire et visites guidées de la basilique par le poète.
Pourtant, Max Jacob a peur de perdre ses éditeurs malgré quelques allers-retours dans la capitale pour garder le lien, l’argent manque, ses gouaches partent mieux que ses écrits. L’isolement commence à lui peser, il a l’impression de perdre pied et finalement retourne à Paris en 1928.
Très vite, Max Jacob renoue avec sa vie d’avant, fréquente salons mondains et artistes en tous genres, profitant autant que faire se peut de sa notoriété. Il finit par décider en 1936 de retourner à Saint-Benoît pour s’y retirer cette fois définitivement, au grand dam de bon nombre de ses amis qui ne comprennent pas sa décision. Il y mènera une vie quasi-monastique jusqu’à ses derniers jours.
Le 25 mai 1936, Max Jacob retrouve donc le calme de la campagne et un cadre plus propice à la pratique religieuse qu’il entend intensifier. Saint-Benoît-sur-Loire est un petit bourg qui a toutefois bien changé depuis son dernier passage, les moines ont repris pleinement possession de la basilique qui attire toujours plus de croyants et de visiteurs. Ni le curé du village ni les moines n’acceptent plus de pensionnaires, Max Jacob prend donc ses quartiers dans le bistro-hôtel Robert, dans une petite chambre modeste avec un simple lit campagnard, des chaises paillées et une table à tréteaux.
Ses journées obéissent à un rituel immuable, lever très tôt tous les matins vers 6h30 pour aller prier, balade vers la poste pour envoyer du courrier à ses amis restés sur Paris, puis travail (lecture, écriture, peinture) avant la prière du soir. Après quelques temps il noue de solides liens avec Marcel et Marguerite Béalu à Montargis, les médecins André Castelbon et Robert Szigeti, mais aussi des artistes de la région comme Roger Toulouse à Orléans.
Au début de 1939, Max Jacob est installé dans sa routine a priori rassurante depuis bientôt trois ans mais se sent pourtant angoissé, la mort devient une obsession. Il rédige son testament et achète une concession au cimetière de Saint-Benoît où il souhaite être enterré.
En septembre, les propriétaires de la pension Robert prétextent une vente future, et Max Jacob se fait expulser. Il loue rapidement une chambre chez Mme Persillard place du Martroi à deux pas de l’hôtel Robert, dans une vieille maison de briques roses fatiguée. C’est donc là qu’il loge le 3 septembre 1939, le jour de la déclaration de guerre à l’Allemagne.
Profondément bouleversé, Max Jacob écrit aussitôt à plus de 80 soldats mobilisés pour les soutenir. Après 9 mois d’une « drôle de guerre » qui épargne jusque-là la commune de Saint-Benoît, les troupes allemandes attaquent la Belgique le 10 mai et déferlent en France. L’exode pousse sur les routes des milliers de réfugiés qui tentent de passer la Loire. À Saint-Benoît, Max Jacob assiste impuissant à ce défilé ininterrompu. Le 28 juin 1940, l’armistice est signé.
Dès le 29 juin, Max Jacob affronte déjà la gestapo qui s’interroge sur sa présence dans la basilique et les premiers contrôles. Le magasin familial tenu par son frère Gaston à Quimper est barré d’une affiche « Jude » et le propriétaire du local met ses biens en liquidation. Les persécutions antisémites ne font pourtant que commencer : en tant que « juif de race », Max Jacob doit s’inscrire sur un registre à Montargis, avant de se voir interdit de publication. Conséquence de la loi du 3 octobre 1940, la Société des gens de lettres raye Max Jacob de la liste de ses adhérents, il ne perçoit désormais pas ses droits d’auteur. On est en 1941, Max Jacob ne peut donc plus travailler, il se réfugie dans la méditation et envisage même d’entrer au monastère. La police surveille sa correspondance, et plusieurs de ses proches comme sa sœur sont arrêtés. Les persécutions se poursuivent en 1942, Max Jacob est régulièrement contrôlé par des policiers français et des hommes de la gestapo, il se rend une dernière fois librement en Bretagne à Quimper, mais doit désormais porter l’étoile jaune sur ses vêtements, obligation à laquelle il se pliera de fort mauvaise grâce. Il ne peut plus pénétrer dans la basilique ni aucun monument historique, n’a pas le droit d’entrer dans aucun café ou restaurant… Il continue de peindre, malgré la difficulté à contourner les restrictions, car même les gouaches viennent à manquer.
L’étau se resserre à partir de février 1942, suite à la décision des Allemands d’intensifier la déportation des Juifs vers les camps de l’Est de l’Europe. Il s’agit pour eux de « s’occuper » de tous les Juifs qui ont échappé aux grandes rafles de 1941 et de constituer des convois d’au moins 1000 à 1200 personnes vers la Pologne notamment. Le Loiret n’échappe pas à ces arrestations qui concerneront 63 personnes les 23 et 24 février.
Le jeudi 24 février, Max Jacob assiste comme souvent à la messe du matin à la Chapelle de l’Hospice, puis va comme à son habitude au bureau de poste pour chercher son courrier. Il est rentré et dans sa chambre du premier étage avec le docteur Castelbon lorsqu’une traction avant noire s’arrête brutalement devant la maison de madame Persillard. Le docteur comprend tout de suite et le supplie de fuir. Max Jacob refuse et reçoit calmement assis à son bureau les trois officiers allemands de la gestapo venus l’arrêter.
Il est emmené vers la prison militaire d’Orléans rue Eugène Vigniat où il passe trois jours dans des conditions très difficiles avant d’être transféré dans un wagon en compagnie des 62 autres détenus arrêtés quelques jours plus tôt dans le département, dans un convoi à destination du camp d’internement de Drancy. C’est en arrivant gare d’Austerlitz qu’il parvient à envoyer quelques lettres, notamment à Jean Cocteau sur lequel il compte pour le sortir de prison.
Le convoi de Max Jacob arrive à Drancy en fin d’après-midi le 28 février. D’août 1941 à août 1944, le camp d’internement de Drancy a été le principal lieu d’internement avant déportation vers les camps d’extermination nazis, principalement Auschwitz. La très grande majorité des Juifs déportés de France passèrent par le camp de Drancy. Le camp lui-même est en fait un vaste bâtiment en U d’un quartier d’habitation bon marché (HBM, ex-HLM) appelé la « cité de la Muette ». L’édifice sur quatre étages était bâti autour d’une cour d’environ 200 mètres de long et 40 mètres de large surnommée le « Fer à cheval ». Il était facile d’y interner les détenus en fermant le U et en installant miradors et barbelés pour prévenir toute évasion.
Très éprouvé par les derniers jours, Max Jacob reçoit le numéro matricule 15 872 lors des formalités d’arrivée. Fatigué et malade (congestion pulmonaire ? pneumonie ?), il est rapidement admis à l’infirmerie où il décède le 5 mars 1944.
Il devait être déporté à Auschwitz le 7 mars par le convoi n°69, et ce alors que la mobilisation de ses amis battait son plein pour tenter de le faire libérer…
Max Jacob est enterré sans cérémonie dans une fosse commune du cimetière d’Ivry-sur-Seine. Ses amis obtiennent tout de même l’organisation d’une messe le 21 mars, et peuvent poser une croix à son nom sur la tombe.
Ce n’est que cinq ans plus tard, à la demande de son frère Jacques, le seul survivant de la famille Jacob, que sa dépouille est enterrée selon son souhait à Saint-Benoît-sur-Loire, le 5 mars 1949.
Un an après les obsèques, l’Association des Amis de Max Jacob est créée le 20 janvier 1950 à Paris, sous la direction de Jean Denoël, tandis que Pablo Picasso en devient le Président d’Honneur. Depuis, chaque dimanche au plus proche de la date anniversaire de la mort de Max Jacob, l’Association des Amis de Max Jacob rend hommage au poète.
Le 17 novembre 1960, Max Jacob est inscrit sur la liste des poètes « Morts pour la France », récompense morale instituée en juillet 1915 visant à honorer le sacrifice des combattants morts aux Champs d’honneur, en service commandé et des victimes civiles de la guerre.
Je vous invite enfin à écouter cette chanson dédiée à Max Jacob, Il est en paix, sur un texte écrit avec Syrano et 12 élèves volontaires réunis en atelier, sous la direction d’Alain Berthet, leur professeur d’Éducation musicale. Découvrez la version interprétée par Syrano, avec le texte des paroles, et la version enregistrée avec tous les élèves de la chorale des Bordes en vidéo le 6 juin 2019.